1. Sur le thème de la mode

Remarque : cette interview a été publiée dans sa version originale japonaise le 17 octobre 2008.

Iwata :

Aujourd’hui, l’interview « Iwata demande » est un peu différente. Tout d’abord, l’un des participants se trouve à l’étranger. Ensuite, alors que nous traitons habituellement des titres développés au sein de Nintendo, nous allons parler cette fois d’un produit qui a été créé par un autre développeur en collaboration avec Nintendo. Nintendo présente : La Maison du style est un jeu complètement nouveau. J’ai réuni tout le monde aujourd’hui car je voulais que nous parlions au monde entier du processus inhabituel et des rebondissements que ce produit a connus sur une longue période. Tout d’abord, j’aimerais que chacun de vous se présente et nous explique quel a été son rôle dans ce projet.

Yamagami :

Je m’appelle Hitoshi Yamagami et je viens du département SPD (Software Planning and Development - Planification et développement de logiciels). J’étais producteur du jeu. Avec Tajima-san, qui se trouve à l’étranger, j’ai pris part à la première phase de la planification et mon engagement a duré jusqu’à la fin.

Iwata :

À vous Tajima-san, depuis l’étranger.

Tajima :

Je m’appelle Azusa Tajima et je vous parle depuis Seattle. J’ai commencé à travailler dans le groupe de Yamagami-san, mais il y a un an, j’ai été envoyée à Nintendo of America. Hmmm… c’était quoi mon titre ?

Yamagami :

Directrice devrait convenir.

Tajima :

Très bien, j’étais donc directrice. (rires) Je suis la première à avoir trouvé le projet.

Iwata :

Par « trouver », vous voulez dire que vous avez découvert un projet que quelqu’un d’autre avait proposé.

Tajima :

Oui, c’est cela.

Iwata :

À vous, Hattori-san.

Hattori :

Je m’appelle Yurie Hattori, également du département SPD. Je suis dans le groupe de Yamagami-san. Durant la seconde phase du développement, j’étais directrice. J’ai surtout contribué à appliquer les différentes idées du co-développeur et de Tajima-san pendant la première phase du développement, puis à les rassembler dans un jeu facile à comprendre pour le plus de personnes possible.

Iwata :

Ito-san ?

Ito :

Je m’appelle Norihito Ito, du département SPD. J’ai rejoint le projet à peu près en même temps que Hattori-san. J’ai surtout apporté un soutien technique en réalisant les plans pour les villes de shopping via la connexion Wi-Fi Nintendo.

Iwata :

Au départ, Ito-san participait principalement au soutien technique pour de nombreux logiciels dans le département SPD. À l’origine, Tajima-san était dans le groupe de Yamagami-san, ainsi que Hattori-san. Le fait que Ito-san vienne de l’extérieur du groupe est un peu inhabituel, non ?

Ito :

Oui. C’est la première fois que j’ai rejoint le développement d’un logiciel précis. Quand on m’a appelé pour le projet, j’ai été un peu surpris.

Iwata :

Nous reviendrons sur ce point, mais abordons pour le moment la première phase du développement. Yamagami-san, pouvez-vous me dire comment a commencé la planification de Nintendo présente : La Maison du style ?

Iwata Asks
Yamagami :

Bien sûr. J’ai préparé quelque chose… (au moniteur) Tajima-san, vous m’entendez ?

Tajima :

Oui.

Yamagami :

Voyons… Tu te souviens quand, vers la fin 2005, Syuji Yoshida, président de syn Sophia1, nous a dit qu’il voulait faire un jeu ayant pour thème les vêtements ?

1 syn Sophia : développeur de jeux, parmi lesquels SimCity DS, Ganbaru Watashi no Kakei Diary, et Mawashite Tsunageru Touch Panic. Ancien nom : AKI Co., Ltd. Siège : Tokyo.

Tajima :

Oui. Si je me souviens bien, au début, il n’y avait qu’un concept d’une page…

Yamagami :

Oui. Une page ne suffisait pas pour comprendre le jeu, alors j’ai demandé plus de détails. Aujourd’hui, j’ai apporté la proposition de projet que j’ai alors reçue.

Tajima :

Elle était où ?

Yamagami :

Dans le bureau de Tajima-san. (rires)

Tajima :

Mon bureau ?

Iwata :

Hmm ? Elle a toujours un bureau ? Je l’ignorais… (rire)

Tout le monde :

(rires)

Yamagami :

Cette proposition porte sur la mode, mais ce sont surtout des pages sans même une seule image ! C’est daté du 26 janvier 2006. C’est à ce moment que le projet Nintendo présente : La Maison du style a démarré.

Iwata Asks
Iwata :

Tajima-san, vous étiez le lien avec syn Sophia. Qu’est-ce qui vous a intéressée dans cette proposition ?

Tajima :

J’ai toujours été intéressée par les vêtements, donc l’idée d’un jeu axé sur la mode m’a vraiment séduite. Cette simple page a suffi pour me plaire. Il n’y avait jamais eu de jeu comme ça, et comme le thème me plaisait, j’ai pensé qu’on pourrait en faire quelque chose de sympa. J’y ai cru en quelque sorte et je voulais vraiment tenter le coup.

Iwata :

Vous jouez beaucoup, n’est-ce pas ?

Tajima :

Oui, c’est exact. Je suis ce qu’on appelle une joueuse inconditionnelle, mais je suis aussi une joueuse occasionnelle. J’adore les jeux d’énigmes et j’aime aussi les jeux comme Ie Programme d’Entraînement Cérébral du Dr Kawashima: Quel âge a votre cerveau ?

Iwata :

Je suppose que vous étiez en quelque sorte frustrée de ne pas pouvoir jouer à des jeux sur la mode.

Tajima :

Tout à fait. Je me suis toujours beaucoup intéressée à la mode, et je me disais que ce serait super de pouvoir associer cet univers à mon autre passion, les jeux vidéo.

Iwata :

Quand vous en avez parlé à Yamagami-san, a-t-il immédiatement partagé votre enthousiasme ?

Tajima :

Yamagami-san dit toujours : « Si tu penses que ce sera amusant, alors ça devrait aller »… c’est ça ?

Yamagami :

Oui, je suppose. La plupart du temps, j’arrive à voir les bons côtés d’un projet, mais cette fois, cela m’a totalement échappé. Je n’ai pas arrêté de lui demander : « C’est bien ? Tu es sûre que c’est bien ? » et elle m’a toujours répondu avec une grande assurance : « Je m’en charge ! »

Iwata :

Tajima-san peut se montrer très convaincante quand elle essaie de faire passer une proposition. (rires)

Yamagami :

Après avoir reçu la première proposition en janvier, j’ai fait retravailler le projet, puis en mai je vous l’ai finalement présenté, Iwata-san. Mais même à cette époque, je n’en comprenais pas l’intérêt... mais je vous ai dit qu’on pouvait lancer ce projet qui m’échappait mais qui était soutenu par Tajima-san. La mode, ça lui parlait, et elle disait qu’elle mènerait ce projet à bien.

Tajima :

Désolée de n’avoir pas tenu ma promesse !

Yamagami :

C'est compréhensible. Un an et demi après le début du projet, tu es partie à l’étranger ! (rires)

Iwata :

Tajima-san, aviez-vous en tête un objectif précis dès le début ?

Tajima :

Pour être honnête, je ne pense pas. Je me demandais ce que ça allait donner…

Iwata Asks
Iwata :

Vous avez insisté pour mener ce projet à terme, mais vous n’aviez pas d’objectif précis ? (rires) Mais maintenant que le projet est achevé, quelque chose du concept d’origine a dû persister jusqu’à la fin. De quoi s’agit-il d’après vous ?

Tajima :

Les filles essayant différentes tenues, utilisant de vrais vêtements et les associant les uns avec les autres. C’est ce qui m’est venu à l’esprit au départ.

Iwata :

Et cela n’a jamais changé. Est-ce que quelque chose a été modifié ?

Tajima :

Non, dans l’ensemble, je pense que le concept est resté le même…

Iwata :

Mais le développement de ce projet s’est déroulé sur une période relativement longue et les essais et erreurs ont été si importants que vous pourriez dire qu’il a un peu dévié par moments. Parfois, dans des situations semblables, on n’atteint tout simplement pas l’objectif d’origine. Alors que certains éléments peuvent demeurer identiques du début à la fin, on se perd en cours de route et des changements se produisent. Cela ne vous évoque rien de précis ?

Tajima :

Eh bien… Tout cela remonte à il y a un an déjà, donc je ne me souviens plus très bien de tout, mais au début, la première interface proposée par syn Sophia était vraiment trop enfantine. Hattori-san, tu t’en souviens ?

Hattori :

Oui, il y avait des cœurs et du rose partout...

Tajima :

Oui, avec des empreintes de pattes de chat partout… Ce n’était pas terrible !

Iwata :

Du rose partout… avec des cœurs. (rires)

Tajima :

Je n’aimais pas du tout ça. Comme le jeu portait sur le sens de la mode, je voulais faire quelque chose qui ait du style, mais cela faisait vraiment trop enfantin… Alors nous avons apporté de grosses modifications.